Il est fréquent qu’une chanson populaire ait plusieurs vies et change de registre.
Ma fille adore chanter et nous fais régulièrement découvrir les chansons qu’elle apprend à l’école.
Dernièrement, elle nous a fait découvrir deux chansons ayant des origines américaines / amérindiennes. Et elles s’avèrent avoir chacune une histoire intéressante, que je souhaite partager avec vous.
Avec ces deux exemples, vous pourrez montrer à vos enfants qu’une chanson « adulte » peut devenir une chanson entrainante reprise en cours de récréation.
1 - Ani Couni Chaouani
Ani Couni Chaouani, ou plus simplement Ani Kuni est une comptine que beaucoup d’enfants connaissent, d’autant plus qu’elle a été remise au goût du jour à l’été 2021 par le duo français Polo & Pan.
Mais connaissez-vous son histoire ?
L'originale : une prière amérindienne
À l’origine, Ani Kuni est une prière amérindienne traditionnelle, provenant de la tribu des Arapahos.
Elle était chantée de manière plaintive, souvent en pleurant, car elle exprime la misère et la dépendance.
Les paroles en français sont les suivantes :
Père, aie pitié de moi,
Car je meurs de soif,
Tout a disparu, je n’ai rien à manger.
Je ne sais pas comment les amérindiens la chantaient, mais on peut imaginer que cela devait ressembler un peu à cette version.
1973 : la reprise pop-rock-psychédélique de Madeleine Chartrand
En 1973, la jeune chanteuse québécoise Madeleine Chartrand popularise la chanson avec une reprise délicieusement pop-rock-psychédélique, dans le style musical de l’époque.
La même année, la France aura droit à son adaptation, comme il était de coutume à l’époque. C’est Rika Zaraï qui reprend la version de Madeleine Chartrand, dans une version légèrement orientalisante, et avec des paroles n’ayant absolument rien à voir avec l’originale.
2021 : la version électro "morriconienne" de Polo & Pan
Mi-2021, le duo français Polo & Pan popularise à nouveau la chanson dans une version électro, qui reprend néanmoins de nombreux codes des années 60.
L’arrangement et les harmonies, différents des versions précédentes, est en partie (l’introduction notamment) un hommage aux bandes originales des westerns spaghettis composées par Ennio Morricone. On retrouve d’ailleurs les cloches, les trompettes et quasiment la même suite d’accords que dans The Ecstasy of Gold, le morceau mythique du film Le Bon, la Brute et le Truand. Cela permet de placer instantanément l’auditeur dans un univers de Far West, en lien avec l’origine de la chanson.
Le clip, quant à lui, s’inspire de l’univers des dessins animés psychédéliques des mêmes années. La fin, en particulier, fait clairement écho au Yellow Submarine des Beatles.
On constate ainsi que la chanson est passée petit à petit d’une prière traditionnelle plaintive, à une chanson pop enjouée, chantée dans les cours de récréation.
2 - Iko Iko
Iko Iko est une chanson qui a été reprises de nombreuses fois, jusqu’au tube de l’été 2021 de Justin Wellington.
Mais savez-vous d’où elle vient ?
L'originale : un rhythm and blues de 1953
James « Sugar Boy » Crawford, un chanteur de rhythm and blues de la Nouvelle-Orléans, sort en 1953 la chanson Jock-O-Mo.
Elle raconte la confrontation des parades de deux tribus d’indiens de Mardi gras de la Nouvelle-Orléans. Il a mélangé les chants des deux tribus, et avouait lui-même ne pas vraiment connaître la signification des paroles (dont une partie est en créole).
Cette version n’est malheureusement pas entrée dans les charts.
1965 : The Dixie Cups popularise la chanson
Les Dixie Cups est un groupe de trois chanteuses de la Nouvelle-Orléans, composé de deux sœurs et de leur cousine.
Lors d’une session d’enregistrement, elles se mettent à chanter spontanément une chanson que leur grand-mère leur a apprise, en utilisant uniquement quelques percussions de fortune (une baguette de batterie, un cendrier et une bouteille de Coca-Cola).
Les producteurs y ajouteront ensuite quelques éléments, et cela deviendra le tube Iko Iko.
Ci-dessous, je vous propose de découvrir une version live, avec un arrangement bien plus riche, d’influence caribéenne.
Les Dixie Cups ont été créditées auteures de la chanson car ni elles ni leurs producteurs ne connaissait vraiment l’origine de la chanson (ce qui explique également que son nom soit passé de Jock-O-Mo à Iko Iko)
Par la suite, James « Sugar Boy » Crawford leur a intenté un procès, et a eu droit à une part des droits au terme d’un arrangement.
Un tube fréquemment repris
La chanson devient ensuite un classique de la Nouvelle-Orléans, en particulier lors du Mardi gras.
Elle est également reprise par des artistes aussi divers que The Grateful Dead (1978), Natasha (1982), Cindy Lauper (1986) ou Willy DeVille (1993).
La version des Belle Stars (1982) a eu beaucoup de succès, et figure dans les films Rain Man, Knockin’ on Heaven’s Door et Very Bad Trip. Elle reprend les percussions très présentes de la version studio des Dixie Cups.
2021 : une nouvelle popularité
En 2017, Justin Wellington enregistre une adaptation d’Iko Iko, en modifiant des paroles et en ajoutant de nouvelles sections. Cette version reprend les influences caribéennes que l’on entendait déjà sur la version des Dixie Cups.
Elle devient virale en 2021 sur TikTok.
Cette version a inspiré La Danse de la Rentrée de Madame Céline, une version complètement réécrite pour les enfants.
C’est cette version que ma fille a apprise à l’école, et qui m’a donné l’idée de cet article.
Que de chemin parcouru depuis le rhythm and blues original !
Conclusion
Je trouve fascinant de voir toute l’histoire qui peut se cacher derrière des chansons a priori légères, apprises en classe de maternelle.
C’est d’ailleurs un conseil que je vous donnais dans l’article « 7 conseils pour libérer votre créativité » : ayez la curiosité de remonter le fil des œuvres qui vous plaisent, pour comprendre la continuité artistique. On découvre tellement de choses avec un peu de curiosité !
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